Le Reve

Rêves d'insomnies


Préceptes de songes


« Les rêves sont des paraboles extrêmement sophistiquées, et non des vérités…
La valeur des métaphores réside dans le fait qu’à travers elles, nous pouvons nous identifier et nous connecter à des forces supérieures…
Mais si nous les utilisons pour produire des explications spécieuses, ou des catégorisations de pacotille, elles nous étrécissent l’esprit au lieu d’élargir nos horizons, et réduisent l’expérience à un ensemble de formules qui nous séparent les uns des autres, et chacun de notre propre vérité.

L’Avatar rêvé représente-t-il l’esprit, la psyché, l’âme ou quelque chose d’autre ?
Le rêve nous entraine-t-il au plus profond de nos êtres, ou dans une réalité totalement différente ?
Le Rêve est-il le fondement même de la Vie, ou simplement l’une de ses résultantes ? »


Ainsi doivent se poser les premières questions de qui veut entrer en correspondance avec les quatre divinités de l’Ordre des Hauts Rêvants

Les Neldas les plus éclairés ont débattu de ces questions durant des siècles, car le doute est l’une des clefs de la levée du Voile.
Beaucoup affirment que quantifier de telles notions, les couler dans la pierre, reviendrait à en extraire toute essence.

Des pas qui résonnent dans des ruelles sombres et silencieuses.
Les vapeurs amères des surplus de Carnine.
Des murmures dans l’Ombre du Voile que vous êtes seul à entendre.

La solitude du Rêveur


Stupeurs, Murmures, peurs... et une infinie solitude.
Telle est la Vie d’un Rêveur, une réalité que personne d’autre ne peut réellement percevoir tel que lui la perçoit, un monde qu’il ne peut que rarement partager, tout en sachant que ce partage est limites, et que seuls l’écrit ou la parole peuvent maladroitement retranscrire ce qu’il a saisi au vol dans son onirique voyage.
C’est une existence de frustration et de colères silencieuses, de rage contenue et d’animalité en permanence combattue.
Le rêveur a le pouvoir de percevoir au-delà, mais ne peut seul maîtriser les fils ténus de sa propre vie.

Le monde de Syfaria est sombre, un monde de violence, de corruption, de trahison, de secrets et de mort subite.
Un rêveur est un éveillé en ce Monde.

Il perçoit et réalise la véritable nature de la Réalité des Dormeurs, cette multitude qui rêve debout, tellement absorbés par la routine de leur quotidien qu’ils sont incapables de percevoir la Réalité sous leur nez.

Le Rêveur ne peut compter que sur ceux de la Congrégation.
Seule la Congrégation en son ensemble a saisi les prémisses de l’importance des éveillés.
L’Ordre a bâti autour d’eux amour, compassion et protection.
Les dormeurs de l’Ordre sont conscients de l’importance et de la difficulté de la tâche.
Le Rêveur, ce paradoxal éveillé, est fait de chairs et de sang, qu’il faut chérir et protéger.

Les Eveillés


« Chacun de nous, sans exception, est quelque part lié à, influencé ou même sapé par l’esprit qui anime la masse d’entités intelligentes de Syfaria.
La liberté ne s’étend que jusqu’aux limites de notre conscience, mais en ces limites débute la Vérité et le passage vers le Grand Rêve… »


Les Eveillés aiment le rêve.
Ils dépendent de lui comme de la Carnine.
La quête peut les pousser à perdre de vue leurs priorités, à oublier momentanément le Grand Rêve, et son lien avec le Voile nécessaire et subi qu’est Syfaria.
Ils se perdent alors dans l’apathie et le rêve perpétuel.

Ceci est le plus grand danger qui guette à la fois l’individu et la société de l’Ordre des Hauts Rêvants.
Le combat contre la bestialité a engagé l’esprit comme le corps de la Congrégation vers une pente toute autant dangereuse : celle de l’oubli de soi.

Là encore, les protecteurs, les artisans, les marchands, les sages et les érudits, tout ceux qui constituent la société de l’Ordre se doivent de prévenir le malheur du rêveur qui se perd dans le sommeil.
Non pas en l’en empêchant, car ceci est impossible et contraire à la volonté des Dieux.
Mais en équilibrant, afin que les Quatre fussent toujours vénérés à égalité, que nul déséquilibre ne fasse pencher la balance.

Car des Quatre dépend toute la Vérité, toute la levée du Voile, et toute la vigueur du peuple Nelda.

On ne peut ni ne doit, en tant que Rêveur, jamais dissocier les faits de leur implication spirituelle et émotionnelle, sans quoi ils perdent de leur importance et deviennent moins vitaux par rapport à la Réalité.
Un drapeau qui ne revêt aucune signification pour ceux qui se tiennent dessous n’est rien de plus qu’un bout de chiffon bariolé.
Mais un drapeau qui déclenche de puissantes émotions parmi le peuple qui le regarde flotter au vent possède quelque chose de supérieur à son essence première.
Il devient alors un symbole doté du pouvoir d’inspirer.
La Réalité elle-même peut alors être altérée, et l’accès au Grand Rêve ne se fera pas sans une parfaite compréhension de cette simple évidence.

L'ancre de réalité


Le Réveur qui tente de se connecter émotionnellement et spirituellement au monde qui l’entoure sera distingué, et saura alors relever les défis qui l’attende.
Il ne sombrera point, ni ne se perdra en chemin.

Celui qui étudie un simple bassin peut rester à l’extérieur, observant simplement la surface de l’eau, ne prenant nul risque sinon de faire illusion.
Il ne comprendra jamais la véritable nature de ce bassin s’il ne plonge pas dedans, puis sent l’eau se refermer sur sa tête, en cet instant de panique où il laisse le monde de la surface derrière lui.
Peut être éprouve-t-il de la joie en sentant la gravité desserrer son emprise sur lui, ou peut être est-il simplement fasciné.
Il comprend alors mieux l’eau, parce qu’il ressent une infime partie de son impact émotionnel.
Mais s’il n’a nul ancrage à l’extérieur qui l’incite à remonter hors de l’eau, il se perdra et mourra, sans rien avoir pu transmettre de ses découvertes.

Ainsi va le Rêve.

Les Rêveurs - les Eveillés - , qui considèrent la Réalité et le Grand rêve comme un bassin qu’ils peuvent étudier à leur guise, en toute sécurité, une chose dont ils sont complètement détachés, ne peuvent pas l’appréhender réellement.
Ils resteront toujours et à jamais de l’autre côté de la porte, quand bien même ils seraient connus et admirés pour les dévoilements qu’ils supposeront avoir effectués.
Ceux là, sans le savoir ou le percevoir bien souvent, forment le lit de la rivière de perdition du peuple Nelda.
Ceux là détournent, font croire, et anéantissent par ces détours des années de chemin préalablement accomplis par plus courageux et clairvoyants qu’eux…

L’apprentissage, la Raison, ont leur importance, et nul Réveur ne doit se jeter dans le bassin tel un écervelé.
Car les Quatre se doivent d’être toujours équilibrés, et sont tous essentiels pour bien appréhender le Rêve.

Ouvrir son esprit, rester éveillé tout en rêvant, s’attacher aux émotions et à ceux qui nous entourent, agir dans la durée et tenir ses sens en alerte pour comprendre les rythmes spirituels de l’Univers, voilà la Voie à suivre.
Celle-ci implique de considérer les ramifications de ce que l’on perçoit comme davantage que de simples résultats pratiques.

Chaque Rêveur doit savoir endosser cette responsabilité et choisir, car en empruntant les mauvais chemins, il enchaîne plus que lui-même dans une sensation confortable, sécurisante mais ô combien irréelle…


Rêves et Neldas, structure et transcription


Les Neldas "rêvent" tous, rêves sans lien ni mesure avec le rêve si commun des autres races, mais tous ne donnent pas de sens à ces rêves, notamment ceux qui ne font pas partie de l'Ordre des Hauts Rêvants.
Ceux là considèrent ces rêves comme dénués de tout sens transcendant, mais peuvent y trouver plaisir et réconfort, volupté et libération.

Les Neldas de l'Ordre des Hauts Rêvants considèrent pour leur part qu'il s'agit là d'un message qui provient des Quatre, une voie et un chemin qui permettra un jour, une fois tous les culs de sacs empruntés et les pièges évités, de lever le voile sur la seule Réalité possible : le Grand Rêve.

Tous rêvent, mâles comme femelles, enfants comme vieillards.
Mais tous ne savent pas s’immerger, interpréter, retranscrire et faire valoir.
Les Hauts Rêvants sont ceux à qui cette tache est dévolue, mais toute la société Nelda est à l’écoute et au service du Rêve, même de ses plus infimes expressions, par son attention constante, par sa force et sa vivacité.
Le silence et le sommeil sont tout autant les alliés que les ennemis de la vraie Voie.

Les rêves sont particulièrement obscurs sans consommation de Carnine.
Impressions diffuses, sensations, cris, etc...
Ils sont complètement impossibles à interpréter, et même peuvent être à l'origine de troubles mentaux, comme des voix, des injonctions étranges, des retours à la bestialité.

C’est aussi pour cette raison que seule la Caste des Hauts Rêvants s’adonne sans limite au Rêve et à son étude.
Car le danger est grand, soit d’y sombrer, soit de provoquer en son esprit un choc plus important qu’il ne peut le supporter.

La Carnine permet de donner un sens aux rêves, tout du moins une linéarité, quelque chose de plus ordonné et de construit.
Cependant, le sens reste encore en général métaphorique, non signifiant ou même absurde.
Il faut donc une formation exigeante, basée sur l'apprentissage, dans la durée, qui éveille la conscience à un ordre cosmique.

L'enseignement, et le strict respect des Quatre, sont nécessaires pour commencer à comprendre et interpréter les rêves, sans que le risque de se perdre ne devienne prédominant sur les révélations.

Ainsi, les Rêveurs sont formés à noter les rêves qu'ils font ou à les transmettre oralement, et à décoder les signes.
Les Rêveurs, ceux que l’on surnomme paradoxalement les Eveillés, font des rêves de plus en plus précis, voir plus longs, et peuvent à terme, dans des cas exceptionnels, avoir une influence dessus, comme une vie à l'intérieur du rêve.
Ces transes mystiques peuvent durer des jours, voire des semaines.

Syfaria est un voile, un obstacle à une compréhension supérieure du monde.
Les Rêveurs savent que Syfaria n'est pas la réalité, et que les rêves leur permettent de la dépasser.

Les transcriptions des rêves sont toutes conservées précieusement depuis des siècles dans la bibliothèque de Korsyne, celle de Jypska ne servant que pour préparer et classer les rêves les plus récents, qui sont ensuite acheminés vers Korsyne, la cité du Désert.

Cette somme de connaissance est précieuse et essentielle, et certains sages, certains érudits, certains sorciers, qui ne s’adonnent pas aux rêves mais qui vénèrent Ahsha, étudient sans relâche les correspondances et les possibilités qu’impliquent ces textes écrits peu après la fin des rêves, parfois par les rêveurs eux-mêmes mais bien plus souvent par ceux qui les veillaient et qui écoutent attentivement leurs récits.
Protecteurs tout autant que confidents…
(certains Rêves sont aujourd’hui plus connus que d'autres, car jugés plus instructifs)

Les artisans comme les marchands, toutes les strates de la société, ont pour unique but le maintien de la Vie, le maintien du contact émotionnel et spirituel, entre le Rêveur et ce faux monde essentiel qu’est Syfaria.
Seule, en se détournant du monde, la Congrégation se détruira et sombrera dans le Néant du Rêve, sans jamais en trouver les clefs et les portes…

Déclinaisons, formes et langues


Déclinaisons

Il a été décidé voilà fort longtemps de diviser les rêves en trois types fort distincts :
  • Les rêves primaires, très obscurs, pour ceux qui ne sont pas initiés ou qui ne savent pas du tout s’immerger.
  • Les rêves symboliques, plein de détails et mêlés de subjectivité du rêveur, qui sont très complexes à décoder.
    (c’est à cette frontière que certains se perdent bien souvent, ou reculent pour ne plus jamais y revenir)
  • Les rêves maîtrisés, épurés par la formation et le respect des Quatre, et qui permettent de mieux comprendre le troisième monde.

Tout rêve est une vision plus ou moins claire du Troisième Monde et le connaître dans toute sa clarté permettrait d'y accéder.
(le plus difficile dans cette tâche, pour ceux qui s’adonnent à l’étude des manuscrits, est de distinguer les Rêveurs qui restent à la bordure, mais donnent à voir des rêves qui peuvent néanmoins paraitre maitrisés.
Ceux là mentent sans le savoir, détournant inconsciemment la compréhension, pour le malheur de toute la Congrégation…)

Formes du Rêve

Le rêve est parfois perçu comme un sixième sens, qui complète les autres.
Comme la vue permet de voir, l'ouïe d'entendre, le songe permet de rêver ce qui reste caché aux yeux des autres.
On peut voir et saisir le passé, le présent comme l’avenir.

Les formes des Rêves sont aussi multiples que les Rêveurs, et que leurs nuits.
Néanmoins, quatre formes sont à distinguer dans les transcriptions qui en sont faites, quatre formes qui sont autant de façons d’appréhender la levée du voile, sans aucune notion de hiérarchie de valeurs entre elles.
Nul ne peut se permettre de blâmer un Rêve pour sa forme de transcription, et cela n'est jamais venu à l'esprit d'un Nelda.

Ces quatre formes sont les suivantes :
  • De la prose de bout en bout.
    (forme la plus courante, mais la plus sujette à mauvaise interprétation)
  • Structure semblable à des vers.
    Trois phrases, et entre deux on passe à la ligne suivante. Il peut y avoir des rimes.
  • Une strophe de longueur supérieure à deux vers.
    Il peut y avoir une versification tout comme des rimes.
  • Association de plusieurs strophes, le poème peut alors avoir une longueur conséquente.

Les langues du rêve


Le Runique et le Runique de Tshal ne sont en aucun cas apparentés aux Runes Nemens.

Le Runique est une langue d'écriture pictographique, qui s'utilisait dans les premiers temps de l'Ordre pour consigner les rêves et leurs interprétations par les Haut-Rêvants, une langue qui venait d’avant la sortie des piliers, enfouie dans les tréfonds de la conscience Nelda.
Son utilisation a ensuite cédé le pas à la langue « raciale » des Neldas car celle-ci était parlée par l'ensemble du peuple et permettait ainsi de former plus facilement de nouveaux Haut-Rêvants et de transmettre les interprétations des Rêves plus aisément.
Tous les plus anciens récits de rêves sont toutefois en Runique, et seuls les neldas les plus traditionalistes continue d’écrire en cette langue difficile.

Le Runique de Tshal est une langue intermédiaire et d’une rare complexité, inventée par le Haut rêvant Tshal en 1035, qui prétendait qu’elle était la langue de l’Univers, celle qui seule permettait de retranscrire parfaitement les chemins parcourus et d’accéder à la Vérité des Quatre.
On retrouve cette langue dans certains textes particulièrement abscons, et rares sont ceux qui s’y adonnent.

Histoires de Songes


Le Rêvant songe et la mêlée fait rage,
La guerre ne le distrait pas, il est entré en transe

Les Quatre il écoute, il suit leur avis sages:
A ces peuples guerriers, ne pas faire confiance.

Aux rangs des soldats s'ajoutent les mages,
Suivre la Voie, la seule vers la délivrance

Tout s'embrase, le conflit est un carnage,
La Réalité est ailleurs, il faut en avoir conscience

Le monde se consume, c'est la fin d'un âge
Chercher le Rêve, mais faire preuve de patience

Feu, mort et chaos auront raison de tout
Tout se finit, mais lui: sa vraie vie commence ...



Nuée distante, mouvante, oppressante
Temps passant, stagnant, ignoré
Dents de fleur ...



Le ciel est sombre, mais la terre est claire
Une lueur interne? reste le mystère...
Quel monde est-ce, où nul n'erre ?



L'âme épanouie, forte et fière
S'en ternit vite d'un fait d'hiver :
Le S'sarkh rôde dans les rues
Le mal est là, qui l'eût cru !

Des yeux de mes parents j'ai vu mon errance,
le périple commençant dès ma naissance.
J'ai su leur joie, leur crainte, et leur espérances,
mais je m'enfuis bien trop tôt, sans accoutumance.

Je courus vers la montagne, je fuyais les bruits,
difformes vacarmes, larmes et cris.
La pente était raide, et l'ascencion dure,
mais la mélodie remplaca l'ambiance sonore.

Le chemin était caché, mais je suivais le sentier,
tortueux et sinueux, j'en avais mal aux pieds.
J'écartais les rochers, ils me cachaient la voie,
la route me parait claire, mais là, quel effroi !

La cime était en feu, un incendie géant,
ces flammes consommaient mondes et éons.
J'étais pris dedans, vers le ciel elles m'emportaient,
je ne voulais pas mourir, je me débattais

Alors je sautais, pour poser pied sur la terre franche,
sans savoir que je provoquais une vraie avalanche.
L'éboulement m'emportait, je perdis conscience,
J'étais arrivé d'ou je venais, en toute inconscience...



Vois ce monde âpre et sans grèves,
Sans bornes, presque sans espoir,
Où la vague foudre des rêves
Se prolonge dans le ciel noir.






(Elaboré en partie à partir de propositions de joueurs)